Je suis née le premier décembre 1992, dans une banlieue plutôt chic de Londres, d'une mère anglaise et d'un père russe. Tous deux voulaient que j'ai un prénom qui fasse comprendre aux personnes mes origines. Au final, j'en ai eu deux. Ellyshka Alistair. Encore, le prénom est plutôt pas mal, mais le deuxième fait vraiment mec, et c'est pas vraiment ce que j'aime. Ça fait trop anglais de la Renaissance, alors que je suis née au XXème siècle quand même. Bref. On m'a souvent raconté que le jour de ma naissance, ma mère s'était évanouie une fois que j'étais sortie de son ventre. Déjà, ce genre-là, pour l'emmener à l'hôpital, c'était dangereux. Il neigeait énormément, ce qui est assez rare à Londres je présume. Mes parents avaient failli avoir un accident, car mon père était encore plus paniqué que ma mère. Cette dernière était sensée ne pas pouvoir avoir d'enfant, donc en apprenant que je faisais la clandestine dans son ventre, elle était vraiment heureuse. Le seul hic pour moi, c'est qu'en tant que fille unique, j'ai été gâtée et pourrie-gâtée, alors que déjà toute petite, je voulais juste avoir la paix. Oui, j'ai toujours été une asociale sociopathe impulsive, agressive, susceptible et rancunière. Mon entourage pensait que c'était du au fait qu'on s'occupait de moi comme une princesse. Dans un sens, c'est vrai. Mais mon arrogance et ma vulgarité ne viennent pas du fric de mes parents. Ils viennent simplement du fait qu'ils avaient beau essayer de m'ensevelir sous des jouets, ils ne me donnaient aucune affection. Un câlin, un bisou, un sourire tendre. Non, rien de cela. Juste des « Tu veux ça ? D'accord, je te l'offre ! » ou des « Regarde tout ce que je t'ai amené ! Tu vas pouvoir t'amuser maintenant ! ». Ils pensaient que si j'étais seule, c'était parce que je me comportais comme une peste hautaine. Non, je ne faisais pas partie de ces garces en mini-jupe. Je ne voulais tout simplement pas qu'on m'utilise. Je savais que si les autres apprenaient que mes parents étaient riches, bizarrement, ils allaient tous se rapprocher de moi. A dix ans à peine, j'étais déjà misanthrope. Enfin, pas entièrement, mais je l'étais principalement.
Mes années au collège furent mes pires années. Les idiots et idiotes immatures, les moqueries, les brimades, les humiliations... C'est pendant cette période que cela se produit en masse. Je ne compte même plus les fois où je retrouvais mes affaires dans une poubelle, ou encore mon casier tagué d'insultes plus puériles les unes que les autres. C'est aussi pendant ces années que je suis devenue aussi susceptible et agressive. J'agissais, et j'agis toujours d'ailleurs, avec beaucoup d'impulsivité. Tu m'insultes ? Je te frappe. C'est aussi clair que cela. Peu à peu, je m'étais trouvée une bande, où je n'étais pas la pire, mais pas la meilleure non plus. Le seul truc qui me distinguait de mon groupe, c'était que moi, j'avais de bonnes notes sans rien foutre, et eux, non. D'ailleurs, même s'ils bossaient, parfois, ils avaient toujours des mauvaises notes. Mais franchement, c'est quoi, les notes ? Un alignement de nombres ne servant qu'à montrer à quel point tu es faible et imbécile ? Une nouvelle technique de torture ? Pour moi, c'était cela. Les notes, c'était un système de torture moderne, qui aura fait pleurer plus d'un surdoué mécontent d'avoir eu 19 et pas 20. Et les professeurs, je les voyais juste comme des tortionnaires sadiques attendant de sanctionner quelconques élèves pour une raison ou pour une autre. Après avoir été renvoyée de deux collèges pour violences répétées, je finis cette période sur une notre bien terne et monotone.
J'aurais bien voulu dire que le lycée était horrible, mais je séchais tellement que je ne m'en rendais pas compte. Je m'amusais à fumer en cachette avec des potes d'un jour, à faire semblant d'aller aux toilettes juste pour sortir de l'établissement et me barrer au supermarché le plus prêt. J'ai redoublé deux ou trois fois, je crois. Je ne suis plus si sûre. Puis j'ai changé d'établissement après ma première année de faculté. Je me suis retrouvée à l'académie Frankin, après avoir frappé une prof' de littérature pour je-ne-sais-plus-quelle-raison. Elle avait même failli porter plainte contre moi, mais avant peur des représailles, j'imagine. Me voilà donc dans cette académie, en deuxième année de littérature et droit, moi qui souhaite devenir avocate. Enfin, je ne souhaite rien, c'est mes parents qui le souhaitent. Si ça n'en tenait qu'à moi, je foutrais rien de mes jours, et j'attendrais que le temps passe en restant collée devant mon écran d'ordi' à regarder des vidéos de lol cat. Mais bon, il y a sûrement des choses plus amusantes à faire dans la vie. Des choses interdites selon telle éthique ou telle règle de bienséance, bien sûre.

toi